PREMIER SÉMINAIRE UFR SANTÉ

« La place de la spiritualité dans le soin ».
Texte de mon intervention à la fac de médecine de Caen « La place de la spiritualité dans le soin ».
Titre : L’épreuve est une dimension sacrée du chemin.
Conférence : « J’ai la chance d’être née malade.
Maladie incurable selon les médecins.
L’annonce de ma mort a fait place nette autour de moi, l’entourage désespéré n’étant accompagné ni psychologiquement ni spirituellement s’écarta.
Je vis pleinement la mort comme une ascèse.
Ma croix n’est pas condamnante mais libérante, elle est chargée de pratiquer dans mon cœur l’ouverture désirée.
Être seule dans les couloirs de la mort m’a irradiée de songes.
Pas d’écran pour mes rêveries.
Au cours de mes longues hospitalisations, la surveillante du service passait du temps à me décrire des tableaux qu’elle contemplait dans différents musées du monde.
Sa passion pour la peinture ainsi que les reproductions de toiles exposées dans tout l’hôpital ouvraient en moi un horizon inimaginable.
Sur la table attenante à mon lit d’hôpital, munie d’une feuille et de crayons de couleurs, j’ouvrais le portillon de fabuleuses échappées.
Je peignais les aiguilles du cèdre plongées dans le ciel devant ma fenêtre, je donnais des miettes de pain aux oiseaux, je contemplais la lumière tremblante dans le verre sur la table d’hôpital, je plongeais dans des cuves atomiques de silence et je ressens, à l’heure où je vous parle, que tous ces émerveillements tout simples ont traversé mes peines.
L’art, la poésie, la nature, la beauté, la relation humaine, un sourire bienveillant, l’émotion d’un médecin, la force d’une vraie poignée de main, un examen clinique avec un Docteur consciencieux… étaient mes premiers baumes étincelants.
Ne mourant pas, je fus inscrite sur liste d’attente de greffe cœur-poumons.
Contre toute attente, je devins une jeune femme mais l’impossibilité d’avoir des enfants me brisa le cœur. Cela aggrava la pathologie et me propulsa vers un accouchement totalement nouveau.
Les derniers mois d’attente de ma greffe, je fus conduite directement au centre chirurgical car je me débattais dans mon sang en proie à des hémorragies cataclysmiques.
Finalement, après 20 ans d’attente de ma greffe, je fus inscrite en hyper urgence.
Allongée sur le lit d’hôpital, je retranscrivis un songe sur papier avec des fusains : il s’agissait d’une femme ailée avec un enfant en son cœur.
Les médecins très inquiets parlaient entre eux comme si je n’étais plus qu’un objet.
Avoir dessiné cet enfant dans le cœur n’était pas très normal, cela signifiait, selon eux, que l’oxygène n’irriguait plus très bien mon cerveau !
Je n’eus pas le temps de leur exprimer la portée symbolique de cette autre naissance que je fus conduite au bloc pour la transplantation cœur-poumons.
J’étais face à ma plus grande peur, sur la table d’opération au sein d’une forêt de bistouris, je ressentais paradoxalement qu’il s’agissait d’un inimaginable rdv d’amour.
Pendant ce temps-là, une famille endeuillée prenait l’incommensurable décision que OUI, la vie est plus forte que la mort et les médecins procédèrent au prélèvement de plusieurs organes sur le donneur .
Avec les chirurgiens, nous nous recueillîmes pour bénir le Sauveur.
Confiante, je m’endormis dans un flocon de neige le 11 février 2012 dans l’incroyable synchronicité du plus grand rassemblement mondial de prières faites pour les malades, le jour de Notre Dame de Lourdes.
Morte cliniquement, je goûtais l’expérience d’une vie agrandie !
J’ai reçu l’Indicible – l’Impartageable et en même temps me taire allait me tuer.
Les « experiencer », comme on nous appelle, reviennent juste pour partager le Pain de cette bonne nouvelle : « Celle que derrière le pire, il n’y a rien à craindre, il n’y a que l’Amour. »
Pendant le coma, j’ai revisité toute mon existence où je n’ai pas su donner l’amour dont j’étais faite.
Dans un état léthargique physiquement, j’étais grande vivante sur un autre plan.
Je ressentais et j’entendais tout l’environnement médical qui s’occupait de moi.
J’étais reliée droit au cœur du soignant. J’étais connectée à l’essentiel ; c’est-à-dire à tous les mots, les intentions et les actes bienveillants.
Vous ne pouvez imaginer le réconfort d’une main posée sur la mienne ou lorsqu’un kiné faisait corps avec moi ou l’impact d’une phrase de soutien pendant le coma.
Par exemple celle d’un des chirurgiens m’ayant posé sa bonne main sur mon épaule et me disant : « Tu as démâté, tu es à contre-courant mais tu vas y arriver ! » ou celle d’une aide-soignante chantant des psaumes auprès de moi.
À mon réveil, je les ai tous identifiés, je reconnaissais leur odeur, leur voix, la douceur du toucher et surtout leur cœur…
Revenue de l’inimaginable, j’étais étrangère à l’existence d’avant, pour mon entourage je n’étais plus celle à qui on parlait.
On ne revient pas indemne d’une expérience de mort et renaissance !
J’ai sacrément mûri au soleil des épreuves !
Pour cela, il s’agit de ne pas voir l’épreuve comme une malédiction mais bien comme une Bénédiction.
La révélation de l’épreuve est dans ce regard Princier que nous lui portons.
Lorsque nous nous victimisons, nous piétinons la force de mutation en nous.
Ma chance est d’avoir traversé des situations au-dessus de mes forces où la Grande Vie a pu faire irruption dans ma petite vie.
Le chirurgien lui-même m’a témoigné que pendant l’opération, il a livré passage à plus grand que lui. Il faut avouer que cet homme aux mains d’or est sur le trône de l’humilité.
Ce même Professeur est venu me chercher dans ma chambre afin que je remonte le moral d’une patiente, alors que je venais d’apprendre que je faisais un rejet de greffe dramatique.
Elle était toute jeune et complètement paniquée à l’idée de se faire greffer.
Nous avons échangé sur le plan spirituel puis, elle s’est laissée conduire en salle d’opération avec une confiance absolue, ce qui compte énormément pour la réussite de la transplantation.
Ce jour-là, cet homme inspiré a désamorcé la menace thermo-nucléaire du rejet en moi.
Il a relevé 2 âmes, la jeune fille désormais greffée et moi.
Allons ensemble, soignants et soignés, science et foi, main dans la main.
Laissons-nous inspirer.
Prenons soin de la dimension entre le savoir et l’espoir.
Non, je ne suis pas morte à toutes les annonces de mort de certains médecins !
Je ressentais que ces collapsologues étaient dans le déni de l’imprévisible !
Quelque chose m’a délivrée des statistiques et m’a soufflée dans un espace inconnu pour la tête mais reconnu par le cœur.
Il est vital de nous ouvrir humblement à ce Principe de vie que nous portons tous comme le programme d’un potentiel insoupçonné.
Je ne cherche pas à prouver la perpétuité de mon corps, ce serait infernal, je témoigne de cette vie infinie qui dépasse nos savoirs limités.
Car pire que de tuer des corps est d’éteindre des âmes qui restent clouées aux diagnostics sans espoir, remettons-nous humblement aux forces de l’Esprit.
La médecine devrait prendre en considération tous ces récits qui passent au-delà du rationnel – ils sont sacrés.
Ce serait un vivier d’expériences permettant à la fois de conforter la force de mutation de chacun des patients et, de garder le soignant de l’orgueil de la toute puissance.
L’évolution n’est qu’un tissage d’expériences.
Je suis extrêmement reconnaissante envers la société française qui a pris en charge ma greffe, j’ai une gratitude inouïe pour la famille du donneur, mon Sauveur et toute l’équipe des soignants.
Mais aujourd’hui le système est à bout de souffle.
Nous sommes dans l’impasse mortifère des affairements d’impuissances qui font de l’homme une variable d’ajustement économique et non l’étalon de mesure sacrée !
Nous nous trompons de cible, l’accomplissement ontologique de l’Homme est primordial.
Cette crise est la chrysalide d’une métamorphose pour que notre médecine déploie ses ailes “science et conscience”.
Aujourd’hui, les soignants officient dans le stress, ils n’ont plus la même attention.
Le personnel malmené est complètement écrasé par le bulldozer de la finance.
Pourtant, j’ai assisté à l’inouï en pleine pénurie de traitement pour palier au rejet de greffe.
Les médecins n’ont pas fait de différences dans le partage afin de donner une chance à tous.
Les doses minorées ont été pour moi parfaites.
J’étais le témoin du miracle de l’amour, assistant à une invraisemblable multiplication du remède!
Au cœur de ce broyage se déploie en moi un Principe de vie qui sauve tout.
Mon aventure intime est greffon de résurrection.
Je suis soufflée par un Souffle imperceptible aux machines.
Au cœur d’une immunodépression sévère, je reçois la manne d’un système immunitaire spirituel.
Dans ce contexte déroutant, j’ai rencontré un médecin généraliste qui allie la science à la conscience.
Allongée sur sa table d’auscultation, pleinement présent à La présence, il a placé une main sur ma poitrine, une autre sur mon ventre et m’a accompagnée dans l’agonie que je traversais car mon cœur et mes poumons sont épuisés.
Là où la médecine techniciste me branchait aux machines qui me déshumanisaient pour prolonger un peu mon corps physique, ce Docteur m’a escortée dans une pratique inédite de la Paix face à ce qui est. Je ne subis plus les machines, je choisis d’embrasser le cœur grand ouvert ce pays que l’on appelle la mort. Je n’oublie pas que nous sommes des êtres éternels faisant une expérience de mortel.
Avec ce médecin, j’apprends à plonger dans l’abîme, je m’enfonce dans l’asphyxie, je suffoque… J’entre dans le naufrage calmement.
Je ne suis plus en réflexe de survie, je baisse les armes.
Les convulsions sont libres d’être.
Plus rien ne me défend et c’est précisément cela ma vraie Défense.
Les spasmes deviennent prières, je ne suis plus qu’un corps de prières.
Mon cœur reste ouvert, c’est un OUI dans chacune de mes cellules, dans chacun de mes ressentis… mon corps est un lieu de passage.
Au fond de la matière, mon cœur touche le mystère.
Je deviens libre de la souffrance.
Un tel accompagnement dépend de la capacité du soignant à se relier à sa propre vulnérabilité.
Ce médecin plus qu’un écoutant est un Entendant qui vient m’aider à accéder à un nouveau seuil de mon existence.
Il vient de me permettre de m’abandonner le cœur ouvert.
Comme une sage-femme, il m’aide à naître à l’amour.
Mon corps accueille sa mutation dans la grâce, sans la devancer ni la ralentir.
Dans une attitude dépassionnée, je consens petit à petit à mourir à tout ce qui me tue.
Je ne disparais pas, j’apparais en laissant transparaître l’amour glorieux.
Le soulagement indispensable de la souffrance est une immense avancée dans la médecine.
Accompagner les êtres physiquement au bout, sans les rallonger artificiellement ni les précipiter à l’aide de cocktails afin qu’ils éprouvent consciemment le temps initiatique du trépas, est capital pour escorter dignement la Mutation de l’homme.
C’est très beau lorsque Marie de Hennezel explique que plutôt que de faire disparaître discrètement les défunts, on pourrait faire une haie d’honneur au moment de leur naissance au ciel ! J’aurais tant voulu célébrer de cette belle manière, nombreux départs de mes compagnons de cordée.
Grâce à l’E.M.I (Expérience de Mort Imminente), je vous témoigne que le chaos est surmonté, je vous promets que derrière le pire, l’amour nous attend ; c’est la bonne nouvelle. Tout est VIE :
« Je sors de la vie et j’entre en vie » disait Christiane Singer dans les derniers fragments de son incarnation.
Mais ce n’est pas nous qui quittons le monde, c’est le monde qui nous quitte !
Je suis profondément reconnaissante devant le miracle des prières et des pensées aimantes que beaucoup de personnes ont fait, font toujours et feront pour moi.
Grâce à cette insurrection de vibrations invisibles, tellement tangibles, j’ai pu rester les yeux grands ouverts là où ça fait mal et où je ne sais pas pourquoi c’est comme ça.
M’enfonçant dans ma chair enveloppée des prières, j’ai touché le ciel.
On se hisse les uns les autres dans tout ce que nous accomplissons.
L’expérience de la Beauté de la nature grâce aux splendides arbres dans le parc du centre chirurgical ou celle de mes émerveillements devant les oeuvres d’art exposées dans l’hôpital de ma jeunesse;
l’expérience de l’Amour grâce à des êtres de coeur dévoués à leur vocation de soignants qualifiés en médecine intégrative ;
l’expérience de l’Epreuve dynamisant en moi les Forces de dépassement;
La Beauté, l’Amour, l’Epreuve sont des portes d’accés à l’action de grâce.
Je viens partager parmi vous, que lorsque le plus fort porte le plus faible, lorsque l’Homme dans sa mutation orchestre les soins médicaux, c’est l’ouverture essentielle au mystère qui nous dépasse car au fond du fond, nous ne sommes maîtres de rien.
Ensemble, chers patients de demain, vous, étudiants qui vous destinez à exercer l’un des métiers les plus grands du monde, harmonisons la science et la conscience comme la mélodie et le rythme, car la symphonie de la vie est Une sur le tambour du cœur. »
Je remercie Clément Gourand qui a extrait ma vidéo de la journée pour pouvoir vous la partager.
Sur ces 2 liens vous avez accès à toute la journée:
• Pr Grégoire MOUTEL
• Dr Thierry GANDON
• Dr Vincent FOUQUES DU PARC
• Pr Grégoire MOUTEL
• Jean Marie GOURVIL : « Le soin et le retour de la spiritualité, perspectives historiques »
• Pr Jacques LUET : « Faits religieux et faits spirituels : distinguer sans séparer « 
• Pascaline LANO :  » La laïcité : contrainte ou opportunité ? »
• Jean Marie GOURVIL
• Josiane PORRET-RUBIN Ph. D :  » Écoute de l’être global en milieu de soin « 
• Michel FROMAGET :  » Aperçus sur quelques fondamentaux de l’anthropologie Corps-Ame-Esprit »
• Pr Jacques BESSON :  » La clinique du sens « 
• Elisabeth de la BARRE « le sens de l’épreuve »
• Bertrand VERGELY : « Prendre soin de son être »
• Philippe DAUTAIS : « L’épreuve, la maladie : calamité ou occasion à saisir « 
• Frédérique LEMARCHAND :  » Je ne suis pas née vivante, je le deviens »
• Dr Jean-Guilhem XERRI :  » Le soin dans tous ses états « 
• Dr Francis GHEYSEN :  » De la neuroscience cérébrale à la thérapie fondée sur la compassion « 
• Dr Abdelkader ZOULIM : « Posture du soignant inspiré par la rencontre de la dignité de l’autre »
 » Le mindfulness au service de la compassion « 
• Dr Francis GHEYSEN
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